ANECDOTES SUR FENELON

Tirées de Anecdotes chrétiennes Mentor des Enfans

Lyon Rusand 1802 Page 222

 

1 . FENELON CHARGE DE MISSION

 

«  Après que le jeune Fénelon fut entré dans les ordres sacrés, il se distingua tellement par son zèle, par ses talents et par sa piété que sa réputation et ses succès pénétrèrent jusqu’a la Cour. Louis XIV l’ayant nommé chef des missionnaires chargés de travailler à la conversion des Protestants, il se présenta devant le Roi ; et après lui avoir représenté avec  respect, que la douceur opère les conversions, au lieu que la violence ne fait que des parjures, il osa lui déclarer que s’il acceptait la qualité de Missionnaire, c’était à condition qu’on instruirait les hérétiques sans les persécuter ; « Mais lui répliqua  Louis XIV avec bonté, ne dois je pas vous garantir de la fureur entreprenante et séditieuse des Hérétiques ? Ne savez-vous pas de quoi leur fanatisme est capable ?Je ne l’ignore pas, Sire, reprit Fénelon ; mais un missionnaire doit-il craindre un pareil danger ? J’ose vous le répéter ; si vous attendez  de nos prédications une moisson vraiment apostolique, il faut que nous y allions en vrais Apôtres. J’aime mieux périr par la main des frères errants, que d’en voir un seul exposé aux vexations, aux insultes, aux violences presque inévitables des gens de guerre ; Louis XIV aimait le bien, la vérité ; il se rendit aux raisons de l’abbé de Fénelon ».

 

 

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 2 SOUMISSION  PAROLE TENUE

     

 

Pour allumer dans le cœur de tous les fidèles, le feu sacré de l’amour divin dont le sien était embrasé, M de Fénelon, devenu archevêque de Cambrai, crut devoir donner au public un ouvrage ascétique, intitulé : Explication des Maximes des Saints. Il enseignait dans ce livre, qu’on pouvait dès cette vie, aimer Dieu continuellement, et uniquement pour lui-même, sans aucun motif de crainte, ni d’espérance. Cette doctrine toute admirable qu’elle parait, n’était dans le fond qu’une erreur, parce qu’un amour aussi parfait n’appartient qu’aux Bienheureux qui sont dans le ciel. Aussi elle excita beaucoup de réclamations et fut dénoncée au Pape Innocent XII, qui, après un long et mûr examen condamna le livre des Maximes, le 12 mars 1699. Dès que le pieux archevêque eut reçu la décision du Saint Siège, il ne s’avisa pas de recourir à de vaines subtilités pour défendre ses opinions ; il se fit au contraire un devoir de les condamner ; il s’empressa de faire un mandement pour en publier la condamnation, et montant dans la chair de la cathédrale, il lut lui-même ce mandement qui était conçu en ces termes :

 

« Enfin, nos très chers frères, notre saint Père le Pape a condamné par un bref le livre intitulé, Explication des Maximes des Saints, avec  vingt trois propositions qui en ont été extraites. Nous adhérons à ce Bref, tant pour le texte du livre, que pour les vingt-trois propositions, simplement, absolument, et sans ombre de restrictions. C’est de tout notre cœur que nous vous exhortons à une soumission semblable, et à une docilité sans réserve : de peur qu’on altère insensiblement la simplicité de l’obéissance due au Saint Siège, dont nous voulons moyennement la grâce de Dieu vous donner l’exemple jusqu’au dernier soupir de notre vie. A Dieu ne plaise, ajouta-t-il à ses ouailles attendries, à Dieu ne plaise qu’il soit jamais parlé de nous, si ce n’est pour se souvenir qu’un Pasteur a cru devoir être aussi docile que la dernière brebis du troupeau, et qu’il n’ a mis aucune borne à sa soumission ; »

 

Les fidèles ne purent entendre ce discours sans verser des larmes, et sans admirer l’humilité du pieux prélat, dont les erreurs, quoique condamnables en elles mêmes, étaient en quelque sorte respectables dans leur principe, puisque selon les expressions qu’on attribue au Pape même il n’avait péché que par excès d’amour pour Dieu

 

 

3 LA SIMPLICITE D’UN GRAND

 

 

Quand dans ses promenades, l’archevêque de Cambrai rencontrait sur son chemin quelques paysans, il s’asseyait sur l’herbe auprès d’eux, les interrogeait en bon père sur l’état de leur famille et leur donnait des avis pour régler leur petit ménage et pour mener une vie chrétienne. Il entrait même quelque fois chez eux, pour leur parler de Dieu, et les consoler de leur misère. Si ces pauvres gens lui présentaient quelques rafraîchissements selon la mode du pays, il ne dédaignait pas d’en goûter et ne leur montrait aucune délicatesse, ni sur la pauvreté de leur état, ni sur la malpropreté de leurs chaumières Il témoignait au contraire par la joie qui brillait sur son front qu’il était charmé d’être au milieu d’eux ; et envoyant qu’il les traitait comme ses enfants, ces bons paysans remerciaient  le ciel de leur avoir donné un tel père

 

 

4 L‘AFFAIRE DE LA VACHE

 

Fénelon rencontra un jour dans les champs, un pauvre villageois presque au désespoir. Il alla à lui, lui parla avec bonté, et voulut savoir la cause de son affliction.

« Ah ! mon bon Seigneur, s’écria le paysan, je suis le plus malheureux des hommes. J’avais une vache qui était ma ressource et celle de ma famille : je ne la retrouve plus. Je l’avais mené dans ces pâturages ; elle a disparu. Qu’est–elle devenue ? Que vais-je devenir ?

Je la chercherai avec vous, mon enfant lui dit l’archevêque ; j’espère que Dieu bénira nos soins et nos recherches. Examinons d’abord par où elle aura pu s’échapper ; découvrons quelques unes de ses traces : et encore une fois, confions nous à la Providence, qui ne demande qu’à seconder nos peines et à les faire prospérer » ; Aussitôt, il part avec cet infortuné villageois, court avec lui tout le jour et ne revient qu’après avoir retrouvé et ramené dans son étable, la vache qu’on croyait perdue, et qu’on ne trouva qu’après des courses longues et fatigantes. Il est difficile de porter la bonté plus loin

 

  

5 . LE RESPECT DE L’ ENNEMI

 

Lorsque les ennemis de la France, qui n’étaient pas très loin de Cambrai apprenait que le vertueux archevêque devait faire quelque voyage dans son diocèse, ils lui mandaient qu n’avait pas besoin d’escorte, et qu’il l’escorteraient eux-mêmes, ce qu’ils firent en effet plusieurs fois.

Il y avait un jour de l’année ou l avait coutume d’aller dans une ville de son diocèse, pour une cérémonie religieuse. On le sut dans le camp des Alliés, il devait passer à la porte de leur camp, ils projetèrent de placer des détachements sur la route, et de l’amener au camp, pour donner à tous, aux officiers et aux soldats qui le désiraient tous également la satisfaction de le voir et de l’entendre . Fénelon en fut averti, et son humilité lui fit renoncer à ce voyage. Une conduite si généreuse ne fit qu’augmenter la haute estime que les Alliés avaient pour sa vertu et ils ne cessèrent de lui en donner les témoignages les plus éclatants.

Si les généraux ennemis apprenaient que quelque lieu, à portée de leur armée, appartenait en propre à l’archevêque de Cambrai, ils y mettaient aussitôt des gardes, et en faisaient conserver les grains, les bois et les prairies avec autant de soin, que s’il eût été question de l’un d’entre eux les plus accrédités ; Ces terres ainsi protégées en sa considération, devenaient même un refuge sûr pour les paysans du voisinage qui s’y transportaient et y faisaient transporter leurs familles et leurs effets.

L’armée des Alliés se trouvait à la fin de la campagne de 1711, à la vue  des remparts de Cambrai et entre l’armée de France et la petite ville de Cateau Cambrésis, qui est le principal domaine de l’Archevêque. Cette ville était remplie des grains du Prélat, et de ceux que les habitants de la campagne y avaient retirés.

 

 

duc de marlboroughmalbo[1] duc de marlboroughmalbo[1]  

Le duc de Marlbourough, général de l’armée anglaise, les fit d’abord conserver par un détachement qu’il y envoya ; mais quand il prévit que la rareté des subsistances pour son armée ne lui permettait pas de refuser jusqu’à la fin le fourragement de cette petite ville, il en fit avertir Fénelon. On chargea sur des chariots  le blé qui s’y trouvait et ils furent conduits à la vue du camp des Alliés, par une escorte de leurs troupes qui les suivit jusque sur la place d’armes de Cambrai, où se trouvait le quartier général de l’armée française. Jamais peut être on n’a rendu à la vertu un plus bel hommage ; mais jamais aussi personne n’en fut plus digne que Fénelon